Mouvement des cheminots : la guerre de l’information a bien eu lieu

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Novembre2007-...(LRU et retraites) 5 compléments

Le mouvement des cheminots s’est éteint aujourd’hui. Plusieurs raisons certainement à cela : les obscures stratégies des directions syndicales, l’envie d’en découdre du gouvernement, mais surtout et avant tout, la haine du mouvement cheminot par des médias aux ordres.

Que ceux-ci soient aux ordres du gouvernement (radios et télés d’état) ou aux mains d’industriels, l’information sur ce mouvement social ne l’a été que sous l’angle des usagers ou d’une grève illégitime…

De nombreuses analyses circulent depuis un moment sur ce phénomène, qui, s’il a été particulièrement évident pendant ces dix derniers jours, n’est pas non plus complètement nouveau. Le site Acrimed notamment, depuis de nombreuses années, dénonce le phénomène de collusion entre journalistes, gouvernants et classes aisées, au détriment de l’information sur les problèmes sociaux et les luttes sociales. Un petit livre a même été publié sur le sujet cette année : Médias et mobilisations sociales.

Les critiques des médias, excellents vigiles de l’information qui peut être (ou ne pas être) donnée dans les médias « de masse » avertissent un nombre croissant de personnes et font pression à leur manière sur le journalisme de révérence.

Dans d’autres occasions, les médias peuvent être refusés (pendant les AG du CPE par exemple), ou sévèrement encadrés (pendant le G8 à Annemasse). CertainEs, comme le journal Le Plan B, recommandent aux militants des mouvements sociaux de ne pas répondre du tout aux médias qui les solliciteraient, de les boycotter.

Et tout le monde se plaint, en permanence, de la télé Bouygues, de France Intox, etc.

Mais, et le mouvement des cheminots vient de nous le démontrer, rien ne se passe, et les médias sont devenus beaucoup plus efficaces que des hordes de CRS sur les piquets de grève ou dans nos AG.

Pendant 10 jours, ils ont prétendu, en boucle, sur toutes les chaînes et toutes les fréquences, que le mouvement cheminot s’essoufflait (et il en faut du souffle pour s’essouffler aussi longtemps). Pendant 10 jours, ils ont donné en priorité la parole à des usagers « pris en otage ». Pendant 10 jours, la principale information sur ce mouvement était seulement l’importance de la « gêne occasionnée par la grève », avec des mensonges éhontés sur l’état du trafic (quel bonheur que d’entendre les statistiques des TER sur Lyon, quand on sait que pas un seul train ne circulait, qu’il n’y avait que des cars…). Ne parlons pas du flou des chiffres de grévistes, mêlant allégrement les pourcentages des cadres ou de la maîtrise très faiblement mobilisés à ceux des petites mains en grève jusqu’à 95 % sur Lyon, Marseille et ailleurs.

Aujourd’hui, ce qui est étonnant, ce n’est pas que les cheminots aient perdu. Ce qui est étonnant, c’est qu’avec ce matraquage permanent, ils et elles aient tenu si longtemps. Qu’illes aient eu la rage de continuer, uniquement grâce à la conscience de l’injustice qui leur était faite. On peut leur tirer notre chapeau aux cheminots…

Mais maintenant on fait quoi ?

À quoi cela sert-il de construire des mobilisations, d’organiser des manifestations, d’essayer de résister à cet ordre qu’on nous impose dans tous les domaines de la société ? Combien de temps faudra-t-il attendre pour que les journalistes se révoltent ? Combien de temps pour une loi sur la concentration dans les médias ? Combien de temps pour espérer pouvoir dialoguer avec celles et ceux qu’on ne croise pas dans nos luttes, dans la rue, sur les piquets, autrement qu’à travers ce prisme déformant et hostile ? Comment résiste-t-on à un tel rouleau compresseur ?

Le slogan d’Indymedia, une plateforme internationale de sites d’information alternative, c’est « Ne haïssez pas les médias, devenez un média ». Pourtant, il nous faut bien nous décider à les haïr ces médias en lesquels on ne peut avoir aucune confiance, qui ne sont définitivement pas du côté de celles et ceux qui luttent… Il nous faut bien nous décider à les haïr, pour qu’enfin une dynamique de construction d’autre chose se mette en place, pour qu’enfin nous nous donnions les moyens de ne plus dépendre vainement de porte-paroles définitivement hostiles, qui décident quand un mouvement peut commencer ou doit finir (surtout finir), qui jugent des revendications valables ou pas…

Mais pour l’instant, on ne se donne pas les moyens. On reste aveuglé par tant d’hostilité, on éprouve un peu de sympathie pour les potes qui se décarcassent pour diffuser un autre son de cloche sur leurs petits médias amateurs, et puis c’est tout… On est content de l’existence de quelques médias un peu critiques, on tape sur l’épaule des copains journalistes qui essaient de sortir un papier pas trop dégueu dans leur canard. Mais au final pas grand chose : aucune radio nationale, aucune télévision, aucun quotidien pour offrir un espace d’expression à celles et ceux qui résistent. Un tout petit soutien aux radios locales associatives. Des mensuels et hebdomadaires d’organisation qui déversent régulièrement leurs torrents d’analyse. Mais l’information au quotidien, celle qui est particulièrement nécessaire en temps de lutte, est la grande absente.

Il faut dire que du côté des médias alternatifs, la réflexion est également faiblarde.
Les indymedias français sont coincés dans une réflexion sur la spontanéité et la subjectivité de l’information qui ôte en général toute envie de les lire aux personnes non-averties, faisant en effet l’économie d’une information lisible et accessible par le plus grand nombre.
De l’autre côté, les militants d’une information critique (autour d’Acrimed, des rencontres pour des médias alternatifs…) sont engoncés d’une part dans un objectif de professionnalisation et d’obtention d’éventuelles subventions, et d’autre part dans une définition de l’« alternatif » cantonné à la seule indépendance capitalistique.
Sans parler du parisianisme mondain de la belle parole ou de la belle chronique, au détriment de la petite information autonome et indépendante sur un site comme Rezo.net

Il va bien falloir pourtant, pour faire face, mettre en place des médias d’information de masse au service de celles et ceux qui osent encore lutter.

Pour que vivent toutes les futures luttes de cheminots, et toutes les autres.

Ari

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  • Le 25 novembre 2007 à 12:33, par As-tu lu Guy Debord et l’Internationale Situationniste ?

    Pour moi la meilleure chose à faire est de chercher un fournisseur d’encre pas chère (il y en a sur internet et il existe également des boutiques spécialisées (chercher « encre pas chère » sur google), d’acheter beaucoup de papier recyclé, puis d’imprimer aussi souvent que possible des textes (copiés ou que l’on rédige soi-même, et qui contiennent des liens vers de bons sites d’information indépendants ; et une adresse mèl si on veut pouvoir être contacté). Il faut que ces textes luttent contre la désinformation, décrédibilisent les journalistes vedettes en parlant de tout l’argent qu’ils touchent en faisant des ménages pour le MEDEF (animation de congrès de grandes entreprises,...comme le célèbre Yves Calvi de C’est dans l’air !). Il faut aussi replacer les réformes Sarkozy dans un contexte plus global : par exemple parler de l’évolution du partage des richesses en France : 70% pour les salariés en 1981, 58% aujourd’hui. Comparer ce qu’on prend aux retraités actuels ou futurs des régimes spéciaux avec les bénéfices du CAC40 : 100 milliards d’euros. Il faut arriver à briser la prison mentale idéologique que le capitalisme a mis dans la tête de chacun : la guerre économique ne profite qu’à une minorité, et elle a été mise en place par une minorité : les grandes banques banques et les multinationale. Il faut à tout prix expliquer aux gens qu’un autre système est possible, dans lequel on ne subirait plus un stress dément à cause des exigences toujours accrues en matière de productivité, dans lequel les richesses seraient partagées équitablement : le PIB en France = 3000 euros par adulte par mois. Il faut montrer que le capitalisme n’est ni rationnel ni efficace pour la majorité : il crée des milions d’emplois au n’apportent rien de réellement utile humainement : chefs, vendeurs, marketing, assurances, banques,...En les supprimant et en partageant le travail entre tous, on pourrait ne travailler que 2 ou 3 jours par semaine, avoir 4 ou 5 jours de vie par semaine. Internet c’est bien, mais c’est beaucoup plus convaincant quand on entend ça de la bouche d’un vrai être humain, alors que sur internet c’est beaucoup plus virtuel. Le capitalisme qui détruit la planète n’est pas un système viable, il est dangereux, il est temps d’évoluer et de passer à mieux !
    Quant aux grévistes, il faut les soutenir au maximum maintenant, profiter au maximum du répit actuel avant la reprise de la grève le 20 décembre, une fois que les négociations n’auront abouti qu’à l’approbation du hold-up sur leurs retraites par les directions syndicales vendues au MEDEF.
    Il faut aussi entrer en contact avec le maximum de conducteurs de transport et leur proposer des textes qu’ils pourraient lire dans le micro de leur cabine de pilotage et diffuser dans tous les hauts-parleurs de leurs moyens de transport. Ne pas oublier des textes sur la corruption de Sarkozy : 200000 euros de rabais offerts sur l’achat de son appartement offerts par le promoteur immobilier auquel il offrait des terrains au rabais à Neuilly ; et ses 700000 euros d’augmentation de salaire sur 5 ans : vol des impôts des français.
    Pour le moral il est préférable que chacun devienne un média réel et rencontre des vrais gens tous les jours (je vous jure : ça fait du bien !), au lieu de se contenter de rester un spectateur, fut-ce de médias alternatfis/indépendants. Quand on ne fait que lire des mauvaises nouvelles ça tourner en rond dans la tête et ça déprime. D’un autre côté, rencontrer des gens rend joyeux, et permet de se faire de nouveaux amis voire plus si affinités ! La vie est là !
    Il faut aussi lutter contre la télé (et l’écran en général, même d’ordinateur) qui est une drogue dangeurese pour le cerveau : comme l’a montré le génie canadien Marshall McLuhan (un des plus grands intellectuels des années post-68), la télé déséquilibre le fonctionnement du cerveau : le cerveau gauche (rationnel) devient beaucoup moins actif (le cerveau droit, émotionnel, prend le dessus) et au bout de 30 secondes le cerveau passe des ondes bêta (actif) aux ondes alpha (rêve éveillé). Voir le génial documentaire « Le Tube » (dans emule, taper : le tube documentaire) passé sur arte il y a quelques années. Diffusez ce documentaire pour faire prendre conscience à un maximum de gens des danger de la télé ! Comme l’ont montré de nombreuses études la télé rend les gens passifs face à la réalité, donc il faut vraiment convaincre un maximum de gens de s’en débarasser. Ce n’est pas facile : une grande voie d’attaque est humaine : invitez tous les soirs des gens chez vous à boire/manger quelque chose : quand on parle et qu’on rit ensemble, on n’est plus devant la télé !

  • Le 24 novembre 2007 à 20:44

    Ari pose la question comme il se doit : Ils nous manquent les télés et les radios populaires, et également des sites internets larges permettant de lutter à hauteur des télés privées et d’état.

    Il y a eu une rupture profonde entre les moyens associés à la détermination de la nomenclatura bourgeoise et ce dont nous disposons.

    La récente défaite des cheminots vient de loin. Elle a été préparée depuis des années, méthodiquement (depuis la grande grève de 1995 en fait) , sans rien laisser au hasard , par des campagnes insidieuses, des roulements de tambour médiatiques à chaque fois qu’il y avait une maigrelette petite grève des trains d’1 jour, des mails tournants, par les discours d’une droite, propriétaire exclusive des médias, présentant comme inéluctable cette course vers une égalité vers le bas ou menant un discours ouvertement mensonger sur les cheminots.

    Le referendum de 2005 allait montrer une montée en puissance d’un discours unique d’une petite caste sur tous les grands médias. La défaite de la nomenclatura bourgeoise sur ce coup là allait les pousser à forcer encore plus la propagande au point d’étrangler en permanence pratiquement toute parole libre.

    La montée en puissance de Sarko qui considère que toute bataille politique commence par une préparation d’artillerie intense et longue nous amène là où nous sommes maintenant où même un mec comme Bayrou n’a plus le droit de la ramener.

    Il nous est aisé de connaitre les prochaines agressions de Sarko, les thèmes sont connus, il ne lui reste plus qu’à mener l’estocade (code du travail, « charges » pour agresser le salaire indirect, privatisation de la santé, fonds de pensions, assurances privées et sécu SAMU social, interdictions des libertés du net et mise de ce média au service exclusif des entreprises privées, racisme ouvert en embuscade, guerre contre l’Iran, etc etc etc). Nous connaissons par cœur là où il va attaquer , c’est là où les médias canonnent depuis longtemps ...

    Et nous, nous attendons dans un coin du ring sans cogner là où ça fait mal , sans mener bataille en permanence contre la nomenclatura. On parle d’un truc un jour et on repasse à autre chose. Il y a des fois où j’ai l’impression que nous zappons plus qu’en face ;

    2005 a poussé également la droite (et la gauche social-libérale) à prendre en compte le net et nous avons maintenant des claques sarkoziennes ou ségolistes qui parcourent le net pour attaquer toutes les idées sociales, de gauche , etc.

    Nous avions une avance sur le net, nous l’avons en grande partie perdue.

    Il s’agit donc de repenser le seul espace médiatique où nous pouvons reprendre de l’avance, le net.

    De quatre façons :

    1) des radios du net , populaires

    2) des télés sur le net (oouuuufffff !)

    3) des sites qui recherchent dans le sens d’Indymédia mais mieux structurés, moins bordeliques d’aspect, plus clairs en présentation (regarder comment des quotidiens régionaux sont écrits) et surtout permettant d’avoir de puissantes assises locales n’hésitant pas à traiter tout le champ populaire , avec des éditions locales vivantes , prises en main par des « justes » locaux , yeux et oreilles populaires. Bref une reprise quelque part de l’espérance de Libé à l’origine mais en essayant de mouiller tout ce qui respire, résiste, organise, dans ce qui reste de « vraie » gauche.

    4) Mener bataille de façon organisée dans tous les débats du net. Avec nos personnalités certes, mais en finir avec notre amateurisme et entrer dans une discipline de bataille (entre égaux), non hiérarchisée mais....

    Une fois j’ai été appelé par quelqu’un par mail (qui a fait un certain site connu sur le TCE) pour venir le soutenir sur Agoravox face à une meute ouistriste. Je n’ai pas vu là assez de monde à l’abordage . Il ne s’agit pas là d’agir, nous, en meute et de pourrir les débats partout mais de porter contradiction, d’enrichir les débats.
    Bref faire entendre la parole de la liberté sur le net, et pas seulement dans nos sites préférés bien au chaud.

    Cop.

  • Le 24 novembre 2007 à 17:33

    Il existe un moyen très simple pour détruire ces merdias c’est de s’abonner au Plan B. Or combien sommes-nous à l’avoir fait ? C’est pourtant pas cher : 20€. Et facile : abonnements@leplanb.org

    Pourquoi ceux qui subissent la propagande merdiatique tous les jours, toute l’année, tout le temps, continuent à regarder la boite à merde ? Des millions de personnes qui sans broncher se font laver le cerveau ça finit par poser question, alors qu’il suffit de se refuser à regarder.

    Tant que ces deux gestes n’auront pas été accomplis les collabos seront la (grande) majorité et les résistants une poignée.

    A chacun(e) de choisir son camp.

  • Le 24 novembre 2007 à 08:29, par libertad

    Une fois de plus les bureaucraties syndicales(a l’image de la c.g.t)
    on été les foyssoyeurs des luttes des cheminots.
    Ne soyons pas dupes du double langage de celle ci, courroies de
    transmission du pouvoir.
    Rejettons avec energies ces fossoyeurs.

    RESISTANCE / ACTION DIRECTE

    @

  • Le 24 novembre 2007 à 01:08, par I

    Je sais pas ce que tu veux dire en utilisant le mot obscure. Mais un des sens me paraît naïf. Les stratégies des bureaucraties syndicales n’ont rien d’obscure. C’est absolument claire. Elle joue leur rôle de garde-chiourme comme on dit. C’est-à-dire que toute leurs stratégies résident à conserver leur pouvoir (de représentativité, de postes, de négociateur) et à contrer toutes perspectives révolutionnaire et de luttes (ce qui est nouveau pour la cgt).

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