Depuis début janvier le procureur général de Lyon a changé. C’est maintenant Nicolas Jacquet qui nous arrive tout droit de Rennes. En trois ans de services à Rennes, il a multiplié par trois le nombre de comparutions immédiates, défendant un modèle néo-libéral de la justice.
Le chef de la police est lui aussi tout nouveau. Patrick Chaudet a pris ses fonctions ce vendredi 18 janvier, remplaçant Lucien Pourailly. Il arrive lui aussi de Rennes. Ils se félicitent tous les deux de se retrouver et de pouvoir continuer à travailler ensemble. Au printemps 2016, pendant le mouvement contre la Loi Travail, ils travaillaient tous les deux, main dans la main à Rennes : on se rappelle tous de ces 19 personnes arrêtées pour association de malfaiteurs avant même qu’ils aient commencé leur action ; ou de cet étudiant qui a perdu un œil à cause d’un tir de flashball pendant une manifestation. On se réjouit donc de les savoir maintenant à la tête de la police et de la justice lyonnaise ...
Lundi 21 janvier, quatre affaires concernaient des personnes interpellées lors de l’Acte X de samedi 19 janvier. Si ces affaires de gilets jaunes sont traitées en comparution immédiates c’est qu’il s’agit d’une directive politique évidente et d’un outils de répression industriel. Ces affaires ne sont donc pas représentatives du quotidien des salles de comparution immédiate. Cette procédure est d’habitude utilisée par les procureurs pour réprimer dans la plus grande indifférence et dans un temps record les marginalisé.e.s de la société. Les prévenus sont alors majoritairement des hommes, jeunes, issus des minorités ethniques, avec un long casier judiciaire. La procédure de comparution immédiate a donc la double casquette de justice de classe et raciste ou en cas de besoin, de justice politique.
* C. accusé de participation à un groupement en vu de commettre des violences ou des dégradations avec 2 circonstances aggravantes : dissimulation du visage (port de casque) et détention de pierres.
Et également violence sur agent sans ITT par des jets de projectiles et des galets de lacrymo.
Demande de renvoi.
Pas de casier judiciaire, étudiant, travaille pour un maigre salaire.
#La procureure demande une mesure de sûreté en attendant le procès pour risque de renouvellement des faits. Elle dit elle-même que les garanties sont béton, et à demi mots qu’elle est obligée de demander le placement en détention pour les faits de violence sur agent.
Lorsqu’il prend la parole en dernier C. indique qu’il s’est reçu un tir de LBD 40 au genou et que la douleur est grandissante.
La présidente reprend la parole : « L’heure est grave monsieur. J’espère que vous ne refusez pas la comparution immédiate pour remplir votre besace d’articles sur le flashball. »
# Le tribunal décide du placement sous contrôle judiciaire, avec obligation de rester au domicile les samedis après midis.
* L, accusé de participation à un groupement en vu de commettre des violences ou des dégradations avec 2 circonstances aggravantes : dissimulation du visage (port de casque) et détention de pierres.
Interpellé à 18h15 au quai Claude Bernard.
13h05 L. se fait contrôler au McDo de Bellecour. Il a dans son sac un casque blanc, un foulard rouge et du sérum phy. Les flics ne lui confisquent rien.
La juge commence par lire les 5 pages du PV général de contextualisation rédigé par la police. En bref :
14h10 : départ du cortège 800 personnes
14h34 : jet de fumigènes, projectiles et mortier. Utilisation en réponse du Cougar et gaz lacrymo.
14h52 : déploiement banderoles par individus virulents
15h15 : rixe entre extrême-gauche et extrême-doite, impossibilité pour la police d’intervenir
16h12 : escadrons GM bloqué sous la trémie place Antonin Poncet/ jets de projectiles
16h27 : A7 coupée/ jets de projectiles/usage lacrymo/manifestants hostiles, visages dissimulés
16h40 : policiers pris à partie rue de la République
16h59 : la BAC réplique avec lacrymo et LBD
17h06 : tir mortier
17h18 : signalement +interpellation d’un individu
17h31 : un fonctionnaire blessé
17h36 : un container à verres renversé
17h40 : un fonctionnaire blessé
17h45 : riposte grenade de désencerclement
18h02 : 2 fonctionnaires blessés
18h05 : dépavage place Bellecour
18h15 : barricade place Antonin Poncet
18h30 : un civil évacué
L. est interpellé pour jets de projectiles mais ça n’a pas été retenu.
Lunettes/gants/cailloux/bouteille vide de jet 27/serum phy retrouvés dans son sac au moment de l’interpellation.
Il est étonné de voir les cailloux et la bouteille. Ne sait pas d’où ça vient. Il découvre l’existence de cette bouteille et de ces cailloux le matin de l’audience.
- L : « J’ai rien fait de mal, j’ai rien lancé. J’ai juste quitté la place Bellecour quand la manif était finie. Quand on a vu la police on a couru et là je me suis fait arrêter »
- Présidente : « D’accord vous niez. Mais reste la question, pourquoi vous courriez ? »
Rires fournis dans la salle - Présidente énervée : « Vous sortez ! Si il y a du mouvement vous sortez ! »
- Prés : « Pourquoi vous avez été arrêté selon vous ? »
- L : « Je sais pas. Je manque de chance je pense. »
- Prés : : « Vous savez combien il y a eu d’interpellations ? 7 ! Donc vous considérez que vous manquez de chance ?! »
- L : : « Oui… Je sais pas quoi dire... »
- Questions de la procureure : « Vous admettez que vous aviez un casque blanc et un foulard rouge ? »
- L : « Oui »
- Proc : « Je vous rappelle que je ne vous poursuis pas pour les jets de pierre et les violences. Votre casque, vous vous en débarrassez ? »
- L : « Non je l’ai perdu »
- Proc : « Et votre foulard ? »
- L : « Je l’enlève quand on décide de partir. »
- Proc : « Vous dites que vos camarades ont mis des choses dans votre sac. Pendant la garde à vue vous parlez de manifestants. Pourquoi un tel glissement lexical ? »
-* L : « Tous les manifestants sont mes camarades. »
On comprend que leur groupe de potes est suivi et surveillé pendant la manif. Est-ce dû au contrôle d’identité du début de la manif ?
L’avocate insiste pour qu’il donne le nom de ses camarades qui ont mis ces choses dans son sac. Ils et elles ont donné des attestations à l’avocate pour décharger leur pote. Sauf que cette pièce conforte la notion de groupement … La procureur se réjouit que la défense apporte des preuves en plus ...
#Réquisitions : La procureure se lance des fleurs : « Après dix actes gilets jaunes on peut dire que le parquet aussi progresse. On progresse sur nos poursuites. »
Elle demande 10 mois de sursis assortis de 140h de TIG.
Comme lors de l’audience de la semaine précédente l’avocate remet en cause le choix de comparution immédiate : « Cette orientation procédurale qu’il faut contester : au vu des faits et de sa personnalité, il y aurait pu avoir un choix procédural moins politique et ne cherche pas à dissuader les gens de manifester. »
Avocate : plaide la relaxe ou sursis et TIG moins long.
#Rendu tribunal : Coupable, 4 mois de sursis assorti de 105h de TIG à faire dans les 18 mois et interdiction de paraitre à Lyon 1 et 2 les samedis pendant 6 mois.
* T, accusé de participation à un groupement en vu de commettre des violences ou dégradations avec 2 circonstances aggravantes : dissimulation du visage (bonnet+casque) et détention d’une bombe de peinture.
Il est accusé également de violence sur agent n’ayant pas entrainé d’ITT par jet de projectiles.
Interpellé à 19H00.
Il avoue le jet de projectile (relance un galet de lacrymo) mais précise qu’il ne visait personne en particulier et n’avait pas l’intention de blesser.
Pas de casier, étudiant.
#Réquisitoire : Procureure : Avec ironie amère « Quand on est pacifiste, Bellecour, c’est un lieu qu’on ne doit pas rater en ce moment ! Gandhi doit vous regarder avec admiration ! »
« Les CRS, ils s’éclatent c’est sûr ! Ça faut 10 semaines qu’ils n’ont pas de Week-end, qu’ils ne voient pas leur famille, qu’ils se prennent des projectiles, je pense qu’ils attendent l’épisode 11 avec impatience ! »
Elle demande 6 mois dont 5 avec sursis, mandant de dépôt et interdiction de port d’arme pendant 5 ans.
Avocate : relaxe, tout en disant que la peine qui sera prononcée doit avoir du sens pour le condamné et la société, donc elle demande de ne pas mettre de mandat de dépôt
#Rendu tribunal : coupable, 6 mois de sursis, 105h TIG à faire dans les 18 mois et interdiction de paraître à Lyon 1 et 2 les samedis pendant 6 mois et interdictions de port d’arme pendant 5 ans.
* K, accusé de participation à un groupement en vu de commettre des violences ou des dégradations avec circonstances aggravantes : dissimulation du visage, et détention de bouteilles de get27, port de gants coqués et constitution de barricades.
Également accusé d’insultes sur policiers et doigts d’honneur, et de résistance à son arrestation.
Interpellé à Bellecour à 17H.
Il reconnaît les faits, regrette geste et parole. À des amis dans la police.
Les flics ont fouillé dans le tel et ont trouvé une vidéo Facebook postée en direct pendant la manif qui filme un groupe qui s’affronte avec la police. Attention donc aux vidéos que vous faîtes et qui prouvent que vous étiez à un certain endroit à un instant T, et à l’usage des téléphones !
Il sort d’une formation sécurité incendie, a bossé comme agent de sécu dans discothèque.
Il est connu des services de renseignements pour des violences en réunion.
#Réquisitions : L’avocat des flics, parties civiles, demande 300 euros par personne de dommages et intérêts au titre du préjudice moral. Il met en avant le risque extrême couru par les policiers lorsque quelqu’un résiste à une interpellation dans un contexte de guérilla urbaine.
La proc aussi se joint aux plaintes policières pour mettre en avant leur courage légendaire : « Pour un policier, interpeller place Bellecour, c’est faire primer la noblesse de sa mission sur son intégrité physique. »
Elle demande 10 mois sursis 140h TIG ou 8 mois dont 6 avec sursis assorti d’un mandat de dépôt.
Avocate demande la non inscription au casier judiciaire.
#Délibéré tribunal : coupable : 6 mois de sursis, 105h TIG à faire dans les 18 mois, interdiction de paraître le samedi à Lyon 1 et 2 et obligation d’indemniser les victimes.
Compléments d'info à l'article
Proposer un complément d'info