Comment une grande partie de la gauche est (encore une fois) en train de participer à la contre révolution

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Une analyse personnelle suite aux mouvements de protestation de ces dernières semaines.

Après des mois de confinement des luttes, les mouvements sociaux sont enfin en train de repartir en France. Faut-il encore en rappeler les raisons ? Augmentation massive de la pauvreté, grandes entreprises qui profitent de la crise pour faire des licenciements massifs, tout cela pendant que les ultra-riches continuent d’organiser bien tranquillement leur évasion fiscale. Sans parler des lois liberticides et autoritaires que le gouvernement est en train de faire passer.

Pourtant depuis deux semaines, une grande partie de la gauche ne semble avoir qu’une obsession : casser du casseur.

Voici les principaux arguments qui tournent en boucle depuis quelques jours dans les rangs de cette gauche (qui va de la France Insoumise aux syndicats réformistes en passant par Mediapart ou Là bas si j’y suis).

Les blacks bloc sont des policiers infiltrés pour décrédibiliser le mouvement. Il faut vraiment ne jamais avoir mis les pieds dans une manif pour dire cela : les personnes qui utilisent la stratégie du black bloc représentent plusieurs centaines de personnes, il suffit de regarder des vidéos de cortèges de tête dans différentes villes de France pour s’en apercevoir. Affirmer que ces personnes sont toutes des policiers infiltrés relève donc purement et simplement du fantasme.

Les policiers ont pour ordre de laisser faire les « casseurs » alors qu’ils pourraient facilement les arrêter. On a ainsi vu fleurir cette semaine énormément de tweets et de déclarations, notamment de membres de la France Insoumise, demandant pourquoi les casseurs n’étaient pas arrêtés en amont des manifestations. Là c’est le comble de l’hypocrisie : on prétend descendre dans la rue pour dénoncer une dérive liberticide et en parallèle, on demande à la police de faire des arrestations préventives. Je me permettrai donc un petit rappel pour les personnes qui ont versé dans cet argument : si les « casseurs » ne sont pas arrêtés avant la manifestation, c’est tout simplement parce que les actes n’ont pas encore été commis. Et non on ne peut pas arrêter quelqu’un au prétexte qu’il porte un k-way noir et qu’il pourrait potentiellement faire des parties des personnes qui vont éventuellement casser. Je suis donc étonnée que des personnes se disant progressistes renient aussi facilement des droits pourtant fondamentaux.

Les « blacks bloc » sont manipulés, voire téléguidés, par le gouvernement dans le but de décrédibiliser le mouvement. Que le gouvernement cherche par tous les moyens à décrédibiliser les mouvements sociaux, il s’agit plutôt d’une évidence. Quand ce n’est pas avec les « casseurs », c’est en stigmatisant les grévistes qui empêchent les bons citoyens d’aller travailler ou en accusant les manifestants d’être responsables de la baisse du chiffre d’affaires des commerces de centre-ville. Que la stratégie adoptée soit violente ou non, le pouvoir en place cherche toujours à décrédibiliser les oppositions par tous les moyens. Cela parait logique.

Ce qui est étrange en revanche, c’est que de nombreuses personnes et organisations au sein du mouvement passent autant d’énergie à critiquer les méthodes d’action violente. En faisant cela, ils réalisent finalement eux-mêmes ce qu’ils prétendent dénoncer : ils décrédibilisent le mouvement en mettant en scène la division, et se rangent de facto du côté de l’ordre bourgeois, face aux vilains agitateurs anarchistes.

De plus, en insistant sans arrêt sur le fait que les mouvements violents seraient orchestrés par l’État, ces personnes contribuent à entretenir le sentiment d’impuissance de la population. Ce sentiment d’impuissance est pourtant un frein majeur à la massification des manifestations : de nombreuses personnes sont d’accord avec les revendications portées, mais sont convaincues que manifester est inutile car le combat est perdu d’avance. L’apport des mouvements plus radicaux, c’est justement de montrer que nos gouvernants ne sont pas tout puissants, et que oui, un dispositif policier peut se retrouver dépassé. Pourtant, même quand on a l’impression que le pouvoir peut trembler, on vient nous expliquer que c’est en fait lui qui a tout organisé. Quoi de mieux pour entretenir le fatalisme et la résignation ?

Alors à tous celles et ceux qui accusent les militants violents d’être les idiots utiles du pouvoir, je pose la question : par votre obsession de la non-violence et du respect de l’ordre, par la construction du mythe d’un pouvoir tout-puissant avec lequel on ne peut que négocier les miettes, n’est-ce pas vous les idiots utiles ?

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