Esclavage en Libye : un crime contre l’humanité

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L’année 2017 a été le théâtre d’un crime contre l’humanité en Libye. La réaction des pays africains contre l’esclavagisme moderne a tardé à se faire entendre. Les états se sont concertés à travers l’Union Africaine mais les choses vont-elles changer ?

Les témoignages venus d’immigré-e-s réduits à l’état d’esclavage en Libye laissent songeur. Les détails sur les traitements qui leurs sont réservés semblent anachroniques, tant ils renvoient à des scènes qu’on croyait appartenir au passé. Pourtant le récit glaçant de Moussa Sangaré, enfermé-e à Saladine, prison de Tripoli, ne laisse planer aucun doute sur l’horreur qui s’y joue.

« Une fois que tu es en prison, tu as droit à une seule journée pour voir le jour. Tu dois payer 250 à 500 000 F CFA (soit 400 à 800 euros) pour qu’on te libère  ». Une somme quasiment impossible à rassembler, pour ceux qui fuient la misère et qui sacrifient toutes leurs économies pour payer un montant exorbitant aux passeurs. D’autres n’ayant pas les moyens meurent dans les prisons libyennes. « Chaque jour nous avons été battu-e-s du matin au soir par les militaires libyens, sans aucune nourriture. C’est l’eau des toilettes que nous étions obligé-es de boire à Saladine  », poursuit Moussa Sangaré.

Moussa Sanogo, 22 ans, originaire de San Pedro, fait quant à lui partie d’un groupe de migrant-e-s rassemblé-e-s par les autorités ivoiriennes à Tripoli. Il raconte son calvaire : « Tu es là, tu es arrêté-e, tu vois qu’ils sont en train de juger ton prix comme une marchandise. On t’achète, tu vas travailler comme un mouton, tu travailles comme esclave. On te frappe tout le temps… jusqu’à ce que le sang coule. Avec des bâtons, du fer, des crosses de kalache… A mon ennemi-e, je ne souhaite pas cela ».

Les réactions étatiques se sont fait attendre. Comme le CRAAP (Collectif de Réflexion d’Analyse et d’Actions Post-coloniale) le souligne [1], le problème est complexe, connu et déjà dénoncé. Entre diffusion d’un reportage de CNN, en août 2017, montrant des images insoutenables et la réaction de l’Union africaine, plusieurs mois se sont écoulé-e-s, laissant les migrant-e-s à leur triste sort. «  Le Forum Afrique appelle le gouvernement libyen et la communauté internationale à prendre des mesures immédiates et décisives pour mettre fin à ce crime contre l’humanité  », ont déclaré les anciens chefs d’Etat et de gouvernement africains rassemblés pour l’occasion le 4 décembre dernier. Dont acte ? Il est encore trop tôt pour le dire.

Quelques pays avaient néanmoins pris des initiatives individuelles, face à l’urgence. Les autorités ivoiriennes ont déjà rapatrié 1279 de leurs ressortissants de Libye. D’après News d’Abidjan, ce sont 700 autres migrant-e-s qui devraient être rapatriés du Gabon et de l’Angola où ils vivent dans des conditions d’extrême précarité.

Sur le terrain de la prévention, des initiatives ont été prises, à l’instar du documentaire « Migrants, retour d’enfer » pour alerter et empêcher les départs précipités. Le film revient sur la tragédie des migrante-s et sur leur totale désillusion. Il encourage les populations ivoiriennes à se forger un avenir sur place, au lieu de partir en quête d’un eldorado illusoire par-delà les déserts et les mers. Le président du pays, Alassane Ouattara, a déclaré à plusieurs reprises être « choqué par les images de milliers de jeunes migrant-e-s, dont beaucoup d’Africain-e-s, morts dans la Méditerranée  ».

Près de 250 000 migrant-e-s subsahariens étaient en Libye fin septembre, selon l’Organisation internationale pour les migrant-e-s (OIM). . Des estimations qui sont « certainement en deçà de la réalité », du propre aveu de l’institution. Cela ne saurait être accepté. La communauté internationale ne doit pas se contenter de condamner, elle doit agir au plus vite. Ce n’est pas seulement le sort de quelques milliers de personnes qui est en jeu, c’est le statut la dignité humaine.
Accueillir et protéger ses ressortissants est le rôle principal d’un Etat, et il est rassurant que certains pays africains puissent le faire. Mais d’autres sont plus fragiles et tous ont besoin du soutien de la communauté internationale. Une attitude bienveillante et généreuse doit accompagner l’indignation suscitée à juste titre par ces évènements. C’est de la responsabilité des pays développés de venir en aide aux victimes et de faire face à l’Histoire.

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